Honoré Daumier : Le passé. Le présent. L'avenir
1834. Épreuve sur blanc provenant du dépôt légal. 21,4 x 19,6 cm (au motif). Delteil 76.
Publiée dans La Caricature le 9 janvier 1834. BnF, Estampes et Photographie, Rés. Dc-180b (2)-Fol. Toujours piriforme, la tête de Louis-Philippe est cette fois-ci reconnaissable sous les traits
d'un portrait-charge qui évolue, au fil du temps, entre le passé offrant un "visage frais et rebondi", le présent une "figure pâle, amaigrie et soucieuse" et l'avenir une face "morne et
décrépite", pour reprendre les mots du journal La Caricature, qui le publiait en janvier 1834.
Source image : (cliquez sur le titre)
© Saint-Denis, musée d'art et d'histoire - Cliché
I. Andréani
Daumier, Honoré (1808-1879), peintre et caricaturiste français, dont la plupart des toiles, consacrées à des thèmes de la vie quotidienne, contiennent une
forte touche de protestation sociale.
Un portrait d'Honoré Daumier par Charles Baudelaire extrait :
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(cliquez sur le titre)
BnF Daumier et ses héritiers
Je veux parler maintenant de l'un des hommes les plus importants, je ne dirai pas seulement de la caricature, mais encore de l'art
moderne, d'un homme qui, tous les matins, divertit la population parisienne, qui, chaque jour, satisfait aux besoins de la gaieté publique et lui donne sa pâture. Le bourgeois, l'homme
d'affaires, le gamin, la femme, rient et passent souvent, les ingrats ! sans regarder le nom. Jusqu'à présent les artistes seuls ont compris tout ce qu'il y a de sérieux là-dedans, et que c'est
vraiment matière à une étude. On devine qu'il s'agit de Daumier.
Les commencements d'Honoré Daumier ne furent pas très éclatants ; il dessina, parce qu'il avait besoin de dessiner, vocation inéluctable. Il mit d'abord quelques
croquis dans un petit journal créé par William Duckett ; puis Achille Ricourt, qui faisait alors le commerce des estampes, lui en acheta quelques autres. La révolution de 1830 causa, comme toutes
les révolutions, une fièvre caricaturale. Ce fut vraiment pour les caricaturistes une belle époque. Dans cette guerre acharnée contre le gouvernement, et particulièrement contre le roi, on était
tout cœur, tout feu. C'est véritablement une œuvre curieuse à contempler aujourd'hui que cette vaste série de bouffonneries historiques qu'on appelait la Caricature, grandes archives comiques, où
tous les artistes de quelque valeur apportèrent leur contingent. C'est un tohu-bohu, un capharnaüm, une prodigieuse comédie satanique, tantôt bouffonne, tantôt sanglante, où défilent, affublées
de costumes variés et grotesques, toutes les honorabilités politiques. Parmi tous ces grands hommes de la monarchie naissante, que de noms déjà oubliés !
Cette fantastique épopée est dominée, couronnée par la pyramidale et olympienne Poire de processive mémoire. On se rappelle que Philipon, qui avait à chaque instant
maille à partir avec la justice royale, voulant une fois prouver au tribunal que rien n'était plus innocent que cette irritante et malencontreuse poire, dessina à l'audience même une série de
croquis dont le premier représentait exactement la figure royale, et dont chacun, s'éloignant de plus en plus du terme primitif, se rapprochait davantage du terme fatal : la poire. "Voyez,
disait-il, quel rapport trouvez-vous entre ce dernier croquis et le premier ?" On a fait des expériences analogues sur la tête de Jésus et sur celle de l'Apollon, et je crois qu'on est parvenu à
ramener l'une des deux à la ressemblance d'un crapaud. Cela ne prouvait absolument rien. Le symbole avait été trouvé par une analogie complaisante. Le symbole dès lors suffisait. Avec cette
espèce d'argot plastique, on était le maître de dire et de faire comprendre au peuple tout ce qu'on voulait. Ce fut donc autour de cette poire tyrannique et maudite que se rassembla la grande
bande des hurleurs patriotes. Le fait est qu'on y mettait un acharnement et un ensemble merveilleux, et avec quelque opiniâtreté que ripostât la justice, c'est aujourd'hui un sujet d'énorme
étonnement, quand on feuillette ces bouffonnes archives, qu'une guerre si furieuse ait pu se continuer pendant des années.