Passer quelques heures à lire,
Est mon plus doux amusement :
Je me fais un plaisir d'écrire,
Et non pas un attachement.
Je perds le goût de la satire ;
L'art de louer malignement
Cède au secret de pouvoir dire
Des vérités obligeamment.
Je vis éloigné de la France,
Sans besoin et sans abondance,
Content d'un vulgaire destin.
J’aime la vertu sans rudesse ;
J'aime le plaisir sans mollesse ;
J'aime la vie, et n'en crains pas la fin.
Devant la mer, un soir, un beau soir d'Italie,
Nous rêvions... toi, câline et d'amour amollie,
Tu regardais, bercée au cœur de ton amant,
Le ciel qui s'allumait d'astres splendidement.
Les souffles qui flottaient parlaient de défaillance ;
Là-bas, d'un bal lointain, à travers le silence,
Douces comme un sanglot qu'on exhale à genoux,
Des valses d'Allemagne arrivaient jusqu'à nous.
Incliné sur ton cou, j'aspirais à pleine âme
Ta vie intense et tes secrets parfums de femme,
Et je posais, comme une extase, par instants,
Ma lèvre au ciel voilé de tes yeux palpitants !
Des arbres parfumés encensaient la terrasse,
Et la mer, comme un monstre apaisé par ta grâce,
La mer jusqu'à tes pieds allongeait son velours,
La mer...
... Tu te taisais ; sous tes beaux cheveux lourds
Ta tête à l'abandon, lasse, s'était penchée,
Et l'indéfinissable douceur épanchée
À travers le ciel tiède et le parfum amer
De la grève noyait ton cœur d'une autre mer,
Si bien que, lentement, sur ta main pâle et chaude
Une larme tomba de tes yeux d'émeraude.
Pauvre, comme une enfant tu te mis à pleurer,
Souffrante de n'avoir nul mot à proférer.
Or, dans le même instant, à travers les espaces
Les étoiles tombaient, on eût dit, comme lasses,
Et je sentis mon cœur, tout mon cœur fondre en moi
Devant le ciel mourant qui pleurait comme toi...
C'était devant la mer, un beau soir d'Italie,
Un soir de volupté suprême, où tout s'oublie,
Ô Ange de faiblesse et de mélancolie.
Superbes monuments de l'orgueil des humains,
Pyramides, tombeaux dont la vaine structure
A témoigné que l'art, par l'adresse des mains
Et l'assidu travail, peut vaincre la nature :
Vieux palais ruinés, chefs-d’œuvre des Romains
Et les derniers efforts de leur architecture,
Colisée, où souvent ces peuples inhumains
De s'entr'assassiner se donnaient tablature :
Par l'injure des ans vous êtes abolis,
Ou du moins, la plupart, vous êtes démolis ;
Il n'est point de ciment que le temps ne dissoudre.
Si vos marbres si durs ont senti son pouvoir,
Dois-je trouver mauvais qu'un méchant pourpoint noir,
Qui m'a duré deux ans, soit percé par le coude ?
L'oisiveté des délicates plumes,
Lit coutumier, non point de mon repos,
Mais du travail, où mon feu tu allumes,
Souventes fois, oultre heure, et sans propos
Entre ses draps me retient indispos,
Tant elle m'a pour son faible ennemi.
Là mon esprit son corps laisse endormi
Tout transformé en image de Mort,
Pour te montrer, que lors homme à demi,
Vers toi suis vif, et vers moi je suis mort.
Regarde, mon enfant, ma frêle pâquerette,
La nuit qui luit, chante, embaume, te jette
Rayons, fleurs, rossignols, et n'est qu'enchantement ;
C'est qu'elle est joyeuse, je gage,
D'avoir en toi fait un ouvrage
Si délicat et si charmant.
La lumière le dit : «Je suis le jour splendide ;
Dieu me fit pour tes yeux ; je suis l'aube timide
Qui te ressemble :en nous rien ne peut éblouir,
Car nous sommes deux étincelles ;
Mais à nous voir déjà si belles,
On sent que le jour va venir.
« Oui, mon ange, je suis cette aurore vermeille
Qui frappe à tes rideaux, et le dit : «Qu'on s'éveille ! »
Je suis ce beau soleil qui brille triomphant ;
Je suis les étoiles, la lune,
Qui te disent quand vient la brune :
« Il faut dormir, petit enfant. »
L'oiseau dit : «Moi, je suis la chanson, la fauvette,
Pour ton oreille, Dieu fit ma voix pure et nette.
Moi, je suis l'alouette, à l'aurore on m'entend :
Pour que les jours que Dieu t'envoie
Te semblent venir pleins de joie,
Je te les annonce en chantant.
« Je suis le blond serin qui parle son ramage ;
La lyre des foyers, et l'hôte de la cage.
Les maisons m'ont toujours dans quelques petits coins,
Afin que l'homme en sa demeure,
Où souvent, hélas ! sa voix pleure,
Ait une voix qui chante au moins, »
La fleur te dit : «Je suis le parfum, viens, respire,
Dieu, pour ton odorat, m'emplit d'ambre et de myrrhe ?»
Je suis la giroflée eau bâton d'or ; l'œillet
Qui se panache et se satine ;
Le muguet, perle blanche et fine,
Qu'on trouve en mai dans la forêt.
» Dieu, comme vous, enfants, me fit riante et belle :
Il me fit ma corolle en velours, en dentelle ;
II vous fit des teints frais, des contours ravissants :
Et puis, les deux œuvres écloses,
II donna le parfum aux roses,
Il donna la grâce aux enfants
» Retiens longtemps mon charme et mon humeur frivole,)
Faisons notre bonheur d'un papillon qui vole.
Mais surtout, bel enfant, qui descends du ciel bleu,
Gardons, toi, dans ton âme aimante,
Moi, dans ma corolle odorante,
Un peu d'encens pour le bon Dieu.«
Et le vent du printemps dit : «Je suis la caresse ;
Dieu m'a fait pour ton front. Je touche avec mollesse
Ton visage et les lis, et j'aime à m'y poser.
Sur ta peau de satin, plus fraîche
Que l'églantine, que la pêche,
Je glisse aussi doux qu'un baiser.»
Le fruit te dit : «Je suis le goût, je suis l'orange ;
Dieu m'a fait pour ta bouche II pense à tout, mon ange ;
Pour vous, ô nouveaux nés, il met, bien des grands mois,
Du lait dans le sein de la mère ;
Et pour l'enfant qui court sur terre,
Il met des fraises dans les bois.»
Tout cela, c'est la vie, enfant, qui vient de naître,
Ce n'est pas le bonheur. Si tu veux le connaître,
Ton père et moi, tous deux baisant ta joue en fleur,
Nous te dirons : «O ma charmante,
Nous sommes l'amitié constante,
Et Dieu nous a faits pour ton cœur. »
Ses disciples chantent : Il revient le Sauveur des hommes : Il
vêt un autre habit de chair. L'étoile, tombée du plus haut ciel a fécondé la Vierge choisie. Et il va renaître parmi nous.
Temps bénis où la douleur recule ! Temps de gloire où la
Roue de la Loi courant sur l'Empire conquis va traîner tous les êtres hors du monde illusoire.
L'Empereur dit : Qu'il revienne, et je le recevrai, et je
l'accueillerai comme un hôte.
Comme un hôte petit, qu'on gratifie d'une petite audience, –
pour la coutume, – et d'un repas et d'un habit et d'une perruque afin d'orner sa tête rase.
Comme un hôte douteux que l'on surveille ; que l'on
reconduit bien vite là d'où il vient, pour qu'il ne soudoie
personne.
Car l'Empire, qui est le monde sous le Ciel, n'est pas fait
d'illusoire : le bonheur est le prix, seul, du bon gouvernement.
Que fut-il, celui qu'on annonce, le Bouddha, le Seigneur Fô ?
Pas même un lettré poli,
Mais un barbare qui connut mal ses devoirs de sujet et devint
le plus mauvais des fils.