Air: Maman, le mal que j'ai.
Peuple, chante avec moi !
Car, cette année,
La destinée
A l'œil ouvert sur toi ;
Tu seras plus heureux qu'un roi.
L'an merveilleux qui luit pour nous
Sera vraiment un an de grâce;
Sous son règne, nous aurons tous
Le nez rouge et la barbe grasse.
Peuple, chante, etc.
Janvier pour nous est sans glaçons,
Octobre apprête ses feuillettes,
Avril met au bleu ses poissons,
Juillet rôtit ses alouettes.
Peuple, chante, etc.
La lune que nous craignons tant
Ne sera pas rousse, mais blonde ;
Et le soleil doux et brillant
Va luire enfin pour tout le monde.
Peuple, chante, etc.
Qu'importe un temps froid ou pluvieux,
Le pauvre obtiendra sans réclame
Et du bois neuf et du vin vieux,
Pour s'échauffer le corps et l'âme.
Peuple, chante, etc.
Des orages n'ayons pas peur :
Jupiter, respectant nos treilles,
Pour ne frapper que le buveur,
A mis son tonnerre en bouteilles.
Peuple, chante, etc.
Réjouissons-nous le Pouvoir,
Voulant qu'à tous les jeux on gagne,
Va mettre, au lieu de savon noir,
Une échelle aux mâts de cocagne.
Peuple, chante, etc.
Pourquoi nous tourmenter encor ?
Mes amis, je puis vous répondre
Qu'à Pâques la poule aux œufs d'or
Pour chacun va chanter et pondre.
Peuple, chante, etc.
Nos jours, nos nuits vont s'embellir
Nous serons des objets d'envie !
On va dorer, on va polir
Le fil de fer de votre vie.
Peuple, chante, etc.
Le feu de l'enfer s'éteindra,
Nous aurons des dieux favorables,
Et notre terre deviendra
Le paradis des pauvres diables.
Peuple, chante, etc.
Quand le bonheur nous tend les bras,
Jetons-nous y, joyeux apôtres :
Un si bon an ne doit-il pas
Etre suivi de plusieurs autres ?
Peuple, chante avec moi !
Car, cette année,
La Destinée
A l'œil ouvert sur toi :
Tu seras plus heureux qu'un roi.
A. Jacquenart
Jean Houblons
Air de l’auteur des paroles
Gais amis, célébrons
Sans crainte,
Sans contrainte,
Célébrons, célébrons
Jean Houblon,
Le blond,
Célébrons, célébrons
L'ami Jean Houblon.
Sous le froid climat de la Flandre,
Jean Houblon a reçu le jour,
Son humeur est docile et tendre,
A lui nos vœux et notre amour ;
Jean Houblon gaiement dans la veine
Fait passer une aimable ardeur,
Et dans notre esprit il promène
Le doux mirage du bonheur.
Gais amis, etc.
La nature fut elle ingrate
En donnant à son frère aîné,
Jean Raisin, un teint écarlate,
Et cheveux blonds au second né ?
Non, cette mère toujours sage,
Fit un choix goûté d'Apollon,
A Jean Raisin, riant visage,
Et la douceur à Jean Houblon.
Gais amis, etc.
Enfants d'une mère commune,
Chaque frère suit son chemin,
Le premier fait grande fortune,
En est-il vraiment plus malin ?
Jean Raisin, gros propriétaire,
Craint fort de se mésallier ;
Mais Jean Houblon, le prolétaire,
Se complaît avec l'ouvrier.
Gais amis, etc.
Certes, Jean Raisin fit merveille,
Il sut embraser les guerriers ;
Et, souvent, sa liqueur vermeille,
D'un cœur fit fondre les glaciers ;
Jean Houblon n'est point en arrière
Près des belles, j'en fais serment ;
Et sa palme brille, guerrière,
Dans les annales du Flamand.
Gais amis, etc.
Jean Houblon n'est jamais sévère.
Pour ses amis, pauvres humains !
Il aide à calmer leur misère
En inspirant de gais refrains ;
L'artisan, après la semaine,
De son temple prend le chemin,
Puisant la force à sa fontaine,
Pour le travail du lendemain.
Gais amis, célébrons
Sans crainte,
Sans contrainte,
Célébrons, célébrons
Jean Houblon,
Le blond,
Célébrons, célébrons
L'ami Jean Houblon.
L. Debuire (du Buc)
Le cabaret de cheux nous
Air de l’auteur des paroles
Au beau milieu de la grand'place,
Il ouvre ses gais volets verts,
Et présente la longue face
De ses treilles formant couverts.
Il n'a point d'enseigne éclatante ;
Mais son vaste dressoir reluit,
Son hôtesse est jeune, agaçante,
La nappe est blanche et le vin rit ;
Tout cela, par chaque ouverture,
Aux passants font des yeux si doux,
Qu'il faut entrer, je vous le jure,
Au vieux cabaret de cheux nous.
L'été, c'est là, sous les charmilles,
Que les gars, le jour du repos,
Viennent faire sauter les filles
Et leur tenir de doux propos ;
C'est là que la gaieté préside,
C'est là que l'on entend toujours
La chanson qui s'envole humide
Du vin qui lui donna le jour;
Et ces danses sous la verdure,
Au son des flons flons, des glouglous,
Rendent tout charmant, je vous jure,
Le vieux cabaret de cheux nous.
On y vient pour parler affaire,
Le vin interroge et répond,
Et, comme il est toujours sincère,
On traite franchement à fond.
Aussi, combien devant, ces tables,
Où vient s'accouder le plaisir,
Combien de procès...fort plaidables,
Chaque dimanche a vus mourir !...
Ici madame procédure
N'a jamais eu que le dessous.
Il est arrangeant, je vous jure,
Le vieux cabaret de cheux nous.
Grâce à lui, plus d'un vieux ménage
A vu rebriller à son ciel,
Presque oublié sous le nuage,
Un coin de la lune de miel ;
Grâce à lui, l'on a vu le garde
Protéger, le dimanche au bal,
Une danse un peu bien gaillarde
Sous son briquet municipal.
Grâce à lui, Jean, taxé d'usure,
Aux pauvres donnent quelques sous...
Il nous fait, meilleur, je vous jure,
Le vieux cabaret de cheux nous.
Le cœur gros, la paupière humide,
C'est là qu'il vient, le pauvre enfant,
Quand la conscription avide
L'a touché de son doigt sanglant...
Il vient y puiser du courage
Pour quitter sans pleurer, hélas !..
Tout ce qu'il aime!... le village
Que souvent il ne revoit pas.
Puisqu'il a, pour chaque blessure
Un baume qu'il dispense à tous,
On devrait bénir, je vous jure,
Le vieux cabaret de cheux nous.
Malgré tout, parfois, à l'église,
Le pasteur, dans un gros sermon,
L'incrimine, et, selon sa guise,
Le voue aux griffes du démon.
Pourtant on dit... Dois-je me taire ?. .
Que certain soir le sacristain
Vient y chercher avec mystère
Du vieux cachet vert le plus fin...
Puis on ajoute qu'à la cure
Il l'emporte...Ah! le croyez-vous ?...
Il est cancanier, je vous jure,
Le vieux cabaret de cheux nous.
Quoiqu'il ait bien souvent, le traître !
Égaré le facteur rural,
Et qu'au maire, il ait fait commettre
Un zigzag fort peu magistral,
Quoiqu'il ait fait, pendant l'antienne,
Du chantre détonner la voix,
Et qu'enfin chacun se souvienne
Qu'il caresse, et pince à la fois,
On rit de la mésaventure
Du reste, commune pour tous,
Et l'on revient, je vous le jure,
Au vieux cabaret de cheux nous.
Mahiet de la Chesneraye
Le garçon épicier
Air : Faut d’la vertu, etc.
Ma foi ! c'est un joli métier
Que d'être garçon épicier.
Entre le sucre et la cannelle
Galichon coule d'heureux jours ;
Il vend lampions et chandelle,
D'y voir clair se piquant toujours.
Ma foi ! etc.
On le dit plus bête que brave,
Mais c'est à tort que l'on en rit;
Il n'a qu'à descendre à la cave
Pour en rapporter de l'esprit.
Ma foi ! etc.
Sa gaieté, sans aucune crainte,
Se permet plus d'un malin tour:
Aux maris, il vend de l'absinthe,
Aux femmes du parfait amour.
Ma foi ! etc.
Si quelque vieux rentier désire
Du vinaigre dans un cruchon,
Il ne manque jamais de dire :
C'est du vinaigre à cornichon.
Ma foi ! etc.
Il vend et savon et potasse
A la blanchisseuse du coin,
Papier, amidon ou mélasse
A chacun suivant son besoin,
Ma foi ! etc.
Achetez-vous de la moutarde ?
Au moment où vous la prenez.
Il dit de sa voix nasillarde :
Elle va vous monter au nez.
Ma foi ! etc.
Un poète du voisinage
Vient-il trouver notre garçon ?
Dans un feuillet de son ouvrage
Il lui met du sel à foison.
Ma foi ! etc.
Les pois cassés et les lentilles,
Il les débile aux pauvres gens ;
Le sucre d'orge aux jeunes filles,
Aux plus riches ses mendiants.
Ma foi ! etc.
Il fait manger bien du fromage
Au pédant, à l'ambitieux,
Et leur vend d'excellent cirage
Pour qu'ils brillent à tous les yeux.
Ma foi ! etc.
A ces caractères moroses
Qui se crispent à tout propos,
Pour rétablir l'état des choses,
II débite force pruneaux.
Ma foi ! etc.
A certain marchand de paroles ;
Il vend du miel en quantité;
Il vend toute espèce de colles
Au journaliste, au député.
Ma foi ! etc.
Cet ambitieux personnage
Espère bien, quoiqu'un peu juif,
Etre maire de son village
S'il fait fortune dans le suif.
Ma foi ! c'est un joli métier
Que d'être garçon épicier.
J. Lagarde
Les douzes mois de l’année
Air : Tous les bourgeois de Chartres
JANVIER
En Janvier nul ne bouge,
On reste au coin du feu ;
Chacun a le nez rouge,
Ou violet, ou bleu.
Les vieillards ont recours
Aux gilets de flanelle ;
Les jeunes gens, pour leurs amours,
Savent trouver quelques beaux jours
Quand il neige ou qu'il gèle.
FÉVRIER
Air: Pomme de Reinett’, pomme d’Apis.
Février ramène le bal,
La folie
En tous lieux nous rallie.
Pour donner dans le carnaval
Le signal
D'un galop infernal.
Chacun d'un masque
Couvre ses traits,
Et des jarrets
Gigotte comme un Basque.
Le plus fantasque
Commande ici,
A la bourrasque
Livrons-nous sans souci !
Au rendez-vous,
Moment bien doux,
L'heure pour nous
Conduit beautés légères.
Faisons les fous,
Et croyons tous
Que nos bergères
Se cachent sous
Des loups.
Février ramène, etc.
MARS
Air: Les anguilles et les jeunes filles.
Le carême à la face blême
Arrive toujours en ce mois ;
Il vient comme Mars en carême :
Ce sont les frères siamois !
Adieu les violons et la danse,
Laissons reposer nos mollets ;
Tout au plus, en temps d'abstinence,
On se permet les... flageolets.
AVRIL
Air : Ensuite bon ermite.
Les zéphyrs de la plaine
Ont chassé les autans ;
Leur caressante haleine,
Enfin ramène
Avril et le printemps.
Les plantes dégourdies
Lancent des jets nouveaux,
Et vers Pâques fleuries
Etalent leurs rameaux.
Des œufs blancs comme neige
Renferment dans leurs flancs,
Par un doux sortilège,
Mille objets ravissants.
Les zéphyrs, etc.
MAI
Air : Tout ça passe en même temps.
Quand vient Mai, tout s'embellit,
Flore étale sa parure ;
Le barbeau, le pissenlit,
Viennent orner la nature.
L'asperge longue et fluette,
Les petits pois verdoyants,
Les hannetons en goguette,
Tout ça pousse, tout ça pousse,
Tout ça pousse en même temps.
JUIN
Air du Tailleur et la fée.
Voici juin, — l'oiseau sous la charmille,
Sûr d’y trouver un abri protecteur,
Suspends le nid de sa jeune famille,
Et chante un hymne au divin Créateur.
Un ciel d'azur resplendit sur nos têtes,
La rose s'ouvre, et dans l'air embaumé
Naît le désir d'aimer et d'être aimé...
L'été partout nous convie à ses fêtes !
Voici juin ! — c'est le mois des longs jours,
Le mois charmant des fleurs et des amours !
Juillet
Air : De la Colonne.
Avec juillet, dans la nature entière,
Quand le soleil ramène les chaleurs
Et qu'il répand des torrents de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs.
De tous côtés son découvre sans peine
Les bains ouverts, les théâtres fermés :
Pour les Parisiens charmés,
Ce n'est qu'un changement de scène.
AOUT
Air: En vérité, je vous le dis(Béral).
Août voit un soleil de feu
Mûrir les épis dans la plaine :
De l'homme, le riche domaine
Se féconde sous l'œil de Dieu.
Alors que les gerbes nouvelles
Se formeront... Bon laboureur,
Aux pauvres, laisse des javelles
Cela te portera bonheur !
SEPTEMBRE
Air : Tonton, tontaine, tonton.
Voici septembre...Alerte, alerte !
Chasseurs, fouillez chaque canton,
Tonton ,tonton, tontaine, tonton.
On chasse sans tracas, sans perte,
La serviette sous le menton,
Tonton, tontaine, tonton.
OCTOBRE
Air : de Pilati.
Le ciel a béni la vendange
Comme il a béni la moisson,
Et les celliers, après la grange,
Vont se remplir à l'unisson.
En Octobre, dans la vinée,
Le vigneron, sur un tonneau,
Trogne rouge et jambe avinée,
Fête en chantant le vin nouveau !
NOVEMBRE
Air : de Julie.
N'ayez pas trop de confiance
Dans l’été de la Saint-Martin.
Lorsque Novembre recommence,
Il fait très froid le soir et le matin !
Et même pendant la journée,
Pour échapper au rhume de cerveau…
Prenez toujours voire manteau,
Ou celui de la cheminée.
DÉCEMBRE
Air : de la Catacoua.
Décembre arrive et clôt la marche;
Enfants, soyez sages et bons
Noël, cet ancien patriarche,
Vous apportera des bonbons.
Puis, le Réveillon, à la ronde,
Séduit de la caveau grenier,
Le chansonnier,
Le chiffonnier,
Le boutiquier,
Le banquier,
Le portier,
Bref, le bonheur de tout le monde
Fait le bonheur du charcutier.
Justin Cabassol et louis Protat
Pauvre et joyeux
Air : Elle a trahit ses serments et sa foi. (La Somnambule)
Content du lot que m'ont donné les dieux,
Point ne m'échappe une plainte importune ;
Le riche pleure, et moi je suis joyeux;
Et je ferais des vœux pour la fortune,
Moi qui reçus de la Divinité
Peu de richesse et beaucoup de gaieté !
Dans son landau l'opulence a frémi
Au seul aspect d'un chemin de traverse ;
Heureux, à pied, sous le bras d'un ami,
Je ne crains pas que ma voiture verse,
Moi qui reçus de la Divinité
Peu de richesse et beaucoup de gaieté !
Pauvre richard, mets ton or en monceau;
La soif de l'or jamais n'est assouvie !
Sans jamais être au bout de mon rouleau,
Joyeusement je dépense ma vie,
Moi qui reçus de la Divinisé
Peu de richesse et beaucoup de gaieté !
Le verre en main, j'avale la douleur,
Sans consulter Esculape et son livre ;
De mon bon sang et de ma bonne humeur
Je ne veux pas qu'un docteur me délivre;
Moi qui reçus de la Divinité
Peu de richesse et beaucoup de gaieté !
Lorsque viendra fille au gentil maintien
Sous l'humble toit du pauvre et gai trouvère,
Je lui dirai : « Partage tout mon bien :
Je n'ai, ma foi, qu'un cœur, qu'un lit, qu'un verre;
Moi qui reçus de la Divinité
Peu de richesse et beaucoup de gaieté !
Je dis à Dieu: «Mon Père, pardonnez
Les gais élans de ma philosophie.»
Je dis aux rois : « Soyez plus fortunés,
Mais plus joyeux, oh ! je vous en délie ! »
Moi qui reçus de la Divinité
Peu de richesse et beaucoup de gaieté !
Tel d'une table, on s'éloigne gaiement,
Tel de la vie un luron se retire.
Amis, je veux à mon dernier moment
Vous saluer par un dernier sourire,
Moi qui reçus de la Divinité
Peu de richesse et beaucoup de gaieté !
A. Jacquemart.