Un lièvre se promenant avec un chacal lui dit : « J'ai une ruse. »
Le chacal répondit : « J'en ai 99 . »
Le lièvre reprend : Entrons dans le verger pour manger.
« Il se mit à manger, et dit à son compagnon :
« Mange d'excellentes figues. »
- « Que manges-tu ? demanda le chacal . »
- « Du raisin. »
Ils se séparèrent dans le verger et mangèrent jusqu'à ce qu'ils furent rassasiés.
- « Allons, dit le chacal, partons, nous n'avons plus faim. »
- « Sors, tu es le plus grand. »
- « Sors le premier et vois si le
maître du verger n'est pas dehors. »
Le lièvre sortit, le chacal resta auprès du trou (sans pouvoir passer) :
« Donne-moi un conseil, dit-il, comment vais-je faire ? »
- « Moi qui n'ai qu'une ruse je ne puis conseiller celui qui en a 99. »
Le lièvre s'enfuit. Le chacal fut pris par le maître du jardin qui lui dit :
« Que vais-je te faire à présent ? »
- « Ce que la justice décide. »
- « Elle veut que tu périsses. »
Le chacal reprit : « Que j'aille au moins dire adieu à mes enfants, puis je reviendrai. »
- « Donne ta parole. A Le chacal prêta serment, l'homme le lâcha et il s'enfuit .
Une, fois, le hérisson et le chacal firent amitié .
Le premier dit à l'autre : « Combien as-tu de ruses ? »
- « J'en ai cent et la moitié d'une », répondit le chacal,
et il lui demanda à son tour : « Combien as-tu de ruses ? »
- « La moitié d'une . » Ils marchèrent en se promenant sur la route jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à un douar
au milieu de la nuit.
Ils trouvèrent un silo, descendirent tous deux à l'intérieur et mangèrent du blé jusqu'à ce qu'ils furent rassasiés.
Le hérisson dit au chacal : « Baisse-toi, pour que je monte sur ta tête et que je regarde . »
Le chacal se baissa, le hérisson monta sur son dos, sauta et retomba hors de l'ouverture du silo, laissant le chacal à l'intérieur.
Il lui dit : « Sauve-toi. (comme tu pourras).
Vois, moi qui n'ai que la moitié d'une ruse (je me suis sauvé) ;
toi qui as cent ruses et demie, tu ne peux te tirer du milieu du silo »
Monthoux ! c'est la colline Qui tourne vers Annemasse son versant tout divers de vignes, de terrains et de fermes rêvant sur la pente ; c'est le Beulet, qui courtise les pervenches roses et mauves dans les buissons, grand ami des amoureux, chuchotant sur les sentiers qui fendillent le bas-flanc du coteau ; c'est Livron, qui a peine à cacher sestourelles, au fond de son parc sévère, et garde quelque chose de plus imposant qu'une gentilhommière ; c'est le chemin (lui déchire le mamelon et va rejoindre, là-haut, l'élégante chapelle bâtie sur ce qui reste d'un château fort,
et tout prés, la résidence d'été de l'évêque. Monthoux ! c'est l'étang mignard, gentiment baptisé lac par l'audacieux
Touring-Club ; c'est la silhouette du chasseur, chevauchant dans le brouillard ; c'est nos rires clairs d'enfants, qui perlent encore autour des maigrelets châtaigniers ; c'est le premier plan, posé là pour adoucissement, d'un décor plus fantastique : les Alpes Monthoux ! c'est la suave Savoie, c'est enfin le théâtre du conte que voici.
L'automne apportait alors cette finesse des tons qui lui est toute spéciale . On suivait dans sa longue agonie cette nature qui nous gratifiait d'atours richement variés, mais sans lendemain ; elle était comme la femme trouvant, dans un âge avancé, des accents étincelants de jeunesse, redoublant d'attention flans ses suprêmes parures.
... C'était là qu'ils s'étaient connus, gardant les moutons.
Son chapeau de faneuse, qui ne la quittait point, allait à merveille avec ses blonds cheveux de Lorraine, plus blonds que la moisson blonde et ses joues, hélas ! trop sanguines. lui, tour à tour, suivant les saisons, ouvrier, moissonneur et berger, possédant dans ses bluets une douceur qu'il tenait du paysage, n'avait pu résister à la passion, siée aux labeurs communs... à la passion née aux labeurs communs, il n'avait ;pu résister. . .
Et les brebis seules savaient le secret .
Du matin au soir, le petit pâtre, pour plaire à son amie, jouait d'un roseau coupé dans les marais tout proches; il jouait, le petit pâtre, de vieux airs savoyards, des chansons imprégnées de son terroir. Alors, un regret passait dans da campagne, qui ne savait définir ce qu'il y avait de plus empoignant entre cette tête de déesse qui la médusait et cette flûte plus mystérieuse que celle des fakirs, charmeurs de serpents.
Ah ! le pipeau rustique... lorsqu'il apparaissait de la houppelande soulevée et que des lèvres fabuleusement agiles parcouraient l'instrument, des oiseaux écoutaient, vexés de leur infériorité...
Et parmi ces vieilles chansons, il en était une surtout !
- mélodie savoureuse qui, lorsqu'elle courait sur les ultimes pâquerettes, semblait l'hymne des feuilles mortes ; mais il fallait supplier pour l'entendre... Alors la belle compagne fermait ses paupières, reine de l'automne, buvant, comme une eau miraculeuse, le religieux menuet...
Et tout semblait dormir dans une fièvre magique. Mats la saison avait aussi son empreinte sur la jeune bergère; c'était des accès de toux, pendant lesquels la rougeur de son teint égalait celle des calvilles... les accès de toux lui donnaient la rougeur des calvilles, et elle aussi devenait une grande feuille pantelante, refusant de mourir...
Et lui ne comprenait pas ; il est pourtant d'autres horizons pour les reines .
La Saint-Martin avait .passé, sans retour d'été. Durant la nuit, la première neige avait apporté le baiser de l'hiver.
Tandis que tintaient les matines et qu'en bas quelques corbeaux donnaient du sinistre .à l'étendue des champs, un passant la trouva, la petite pastourelle, parmi les feuillages roux... parmi les feuillages roux, la mort l'avait prise dans un étouffement de sa poitrine convulsée . Ce matin-là, les arbres s'étaient dépouillés pour lui faire une couronne, achevée par le vent...
Il n'y eut qu'un sanglot à l'annonce de la nouvelle ; les lièvres la propageaient, les rouge-gorges l'annonçaient aux Bois…
Le clocheton eut un glas, un glas qui glaça là délégation d'hirondelles, venues spécialement du rivage des orangers... Et toute la petite colline prit part aux funérailles. La légende veut aussi que des colchiques se montrassent aussitôt sur le tertre... Quand au pâtre, il n'était plus là.
D'ailleurs, s'est-il perdu dans des pays lointains ? A-t-il cherché d'autres consolations, ou s'est-il donné, sur les hauts monts, volontairement aux loups noirs ? Nul ne le saura jamais. Se serait-il ravisé, un jour de printemps, de venir prés d'autres bergères ? Non, car vous auriez vu les primevères le maudire du fond de leurs corolles et les anémones déserter leur empire...
les anémones auraient déserté leur empire, les primevères l'auraient maudit du fond de leurs corolles.
En ces temps-là, les cimetières étaient réservés aux habitants du pays ; étrangère, sa croix se dresse à l'endroit qui lui vit rendre son dernier soupir.
Depuis, aux environs de la Saint-Martin, avant que la première neige apporte lé baiser de l'hiver, la délicieuse mélodie monte des entrailles de Monthous. Passant, n'as-tu point entendu ces notes sublimes qui vibrent dans l'air mouillé, appels ou gémissements, variations enchanteresses ?
Ne doutes pas que ce soit l'invocation de cette pastorale qui a sa place d'honneur dans les chaumières pendant les veillées d'hiver, et que là, prés de toi, l'âme désolée du .pâtre appelle, en vain, sa bergère .