(J'ai gardé orthographe telle quelle)
L'espérance public
Ex vain de nos malheurs bornant le triste cours,
Le ciel, plus que jamais attentif à nos jours,
Par une ingrate paix, fruit de notre victoire,
Croirait rendre imparfaits ses soins et notre gloire.
L'abondance (présent le plus digne des dieux).
Avec la paix, dit-on, va régner en ces lieux.
L'or qu'avait enfoui la plus sanglante guerre
Doit renaître bientôt du centre de la terre,
Et nos champs, vrai Pérou désormais à nos yeux,
Vomiront à grands flots ce métal précieux ;
Telle est, Damon, telle est la publique espérance.
Mais veux-tu là-dessus savoir ce que je pense :
Avant qu'on remédie à tous nos maux passés.
Et qu'à ceux dont encore nous sommes menacés,
On trouve un infaillible et suprême antidote.
On pourra voir la cour redevenir dévote,
Le Régent au destin savoir se résigner.
N'être plus dévoré de l'ardeur de régner,
La Berry des Laïs (1) n'être plus la première.
Et ne plus surpasser Babet la bouquetière.
Condé, par le secours de deux regards vainqueurs,
(1) Célèbre courtisane grecque.
A sa suite entraîner, captiver tous les cœurs.
Conti du grand Conti représenter l'image ;
Saint George poursuivant le perfide Hanover (1)
Conquérir en héros le trône d'outre-mer.
Les fils de Loyola, par d'imposteurs sophismes,
Cesser de méditer encor de nouveaux schismes.
Voysin, Bercy, Pleneuf, (2) Pontchartrain, Desmarets,
En pécheurs repentants confesser leurs forfaits.
L'avide d'Argenson employer son office
Désormais à des soins plus hauts que la police.
Bourvalais, le Normand remis dans leur bureau,
Mourir d'une autre main que celle du bourreau.
Nos modestes de cour et nos saintes nitouches
Aux hommes se montrer sévères et farouches,
Gesvres de sa vertu montrant l'effort suprême,
Donner à sa maison un véritable Tresmes. (3)
(1) Le chevalier de Saint-George, fils du roi d'Angleterre Jacques II, essaya, mais inutilement, de reconquérir le trône dont la révolution de 1688 avait dépossédé son père. George Ier avec qui il lutta était fils du premier électeur de Hanovre, Ernest Auguste, et arrière petit-fils, par sa mère, de Jacques Ier ; un acte du Parlement anglais (1701), qui limitait aux princes de la ligue protestante le droit d'accession à la couronne, fit de lui le successeur de la reine Anne,
(2) L'un des principaux commis du bureau de la guerre sous Voisin. Il avait fait une immense fortune dans les traités de finances et dans les vivres, et craignant d'être contraint à quelque restitution, il s'enfuit à Turin.
(3) Le marquis de Gesvres, fils du duc de Tresmes, avait épousé Mlle Mascrani, qui demanda la cassation du mariage pour cause d'impuissance. Cette affaire fit durant plusieurs années un bruit considérable et fut le sujet de toutes les conversations, à la cour comme à la ville. Enfin, la marquise, lassée du vacarme qu'elle avait involontairement causé, se raccommoda avec son mari.
Villars, Mallet, la Force (1) apprendre à l'univers
S'ils savent ce que c'est et que prose et que vers.
Le nouvel Arlequin, (2) mieux que feu Dominique (3)
Aux vices de son temps, un jour faire la nique.
Le poète sans fard reçu de ses lecteurs,
Gil Blas (4) dans la grande salle (5) entouré d'acheteurs,
(1) Le maréchal de Villars, le financier Mallet et le duc de la Force étaient membres de l'Académie française ; ils devaient cet honneur à leur position bien plus qu'à leurs talents littéraires. Et cela n'a rien qui puisse surprendre, dans un temps où le duc de Richelieu pouvait entrer à l'Académie à peine âgé de quinze ans, et lire devant la docte assemblée un Discours de réception, dans lequel les fautes d'orthographe seules étaient son œuvre personnelle.
(2) Personnage satirique de la comédie italienne, introduit en France depuis le règne de Henri III, qui obtenait toujours beaucoup de succès au théâtre de la Foire. Scarron , dans sa Description de la foire Saint-Germain, remarque :
Que ce ridicule Arlequin
Est un grand amuse coquin.
(3) Acteur de la Comédie italienne (1640-1688), qui jouait le rôle d'Arlequin. Il obtint une très grande vogue, et fut souvent appelé à Versailles pour égayer les soirées de la cour.
(4) Gil- Blas de Lesage parut en 1715. C'est le chef- d'œuvre du roman de mœurs. On y trouve une peinture élégante, spirituelle et variée de l'homme, dans toutes les conditions sociales, qui cache sous des allusions transparentes et des remarques générales, une satire vive et piquante de la société française au commencement du XVIIIe siècle.
(5) Quelques libraires avaient leurs boutiques dans la grand'salle du Palais de justice.
Et pour m'envelopper aussi dans la satire.
Et prouver encor mieux ce que je viens de dire
Moi-même je pourrai de ce vers insensé,
Ainsi que Seligny, (1) me voir récompensé.
(1) Commis du bureau de la guerre, accusé de concussion.
(Cf. tome II, les pièces sur la Chambre de justice)