Chansonnier historique du XVIIIe siècle

La régence partie III


(J'ai gardé orthographe telle quelle)


 Épigramme sur Law


Si l'on pouvait, mes chers confrères.

Donner à Law les étrivières,

Si l'on envoyait aux galères

Ramer l'enfumé d'Argenson,

Le cuistre Dubois dans la rivière/

Le beau canevas de chanson !

 

D'Henri IV, tendre sirène,

Je chanterais à perdre haleine ;

Dans l'espace d'une semaine,

Mes couplets seraient si courus

Que toutes les nymphes de Seine

Viendraient avec moi faire chorus.

 

Law est catholique à la fin,

C'est la grande nouvelle,

Le voilà dans le vrai chemin

De la vie éternelle ;

Il a fait abjuration, (1)

 

(1) Dans l'église de l'abbaye de Saint-Père à Melun. (M.) L'abjuration de Law avait eu lieu en septembre 1719. Mais elle resta à peu près secrète jusqu'au moment où il fut nommé contrôleur général des finances. « L'abbé de Tencin fut chargé de ramener au giron de l'Église un protestant ou anglican ; car lui-même ne savait guère ce qu'il était, écrit Saint-Simon. On peut juger que l'œuvre ne fut pas difficile ; mais ils eurent le sens de la faire et de la consommer en secret, de sorte que ce fut quelque temps un problème, et qu'ils sauvèrent par ce moyen les bienséances du temps de l'instruction et de la persuasion, et une partie du scandale et du ridicule d'une telle conversion opérée par un tel convertisseur. »

 

La faridondaine, la faridondon,

L'abbé Tencin l'a converti, biribi,

A la façon de Barbari, mon ami.

 

Je voudrais bien pour son salut

Et celui de la France,

Qu'au plus tôt le Seigneur voulût

Pour digne récompense

De tant de bonnes actions,

La faridondaine, la faridondon,

Le flanquer droit en paradis, biribi,

A la façon de Barbari, mon ami.

 

Si Law s'est fait catholique,

L'on connaît bien sa politique.

Il veut être canonisé.

Pour l'argent l'on fait tout à Rome,

 

Et le ciel sera remboursé

Si l'on y reçoit ce saint homme. (1)

 

Law, ne devais-tu pas attendre

A faire ta conversion,

Que la justice te fît pendre,

Pour imiter le bon larron.

 

D'Argenson dans la finance,

Par ma foi, n'entendait rien.

Il nous fallait pour la France

Un filou qui fût plus fin ;

Monsieur Law a pris la place, (2)

Il nous mènera bon train,

Dans un carrosse sans glace.

Chez madame Pataclin.

 

(1) « Law fut fait marguillier d'honneur de la paroisse Saint-Roch, à la place du duc de Noailles, et il fit présent de cent mille écus à cette église pour achever de la bâtir. » (Mém. de la Régence.)

 

(2) Law fut nommé contrôleur général des finances le 5 janvier 1720. « Il était temps, remarque Saint-Simon, de faire jouir Law de sa conversion. M. le duc d'Orléans ne pouvait plus s'accommoder d'un autre chef dans les finances. Law voulait l'être. Argenson qui se trouvait garde des sceaux, c'est-à-dire dans une place aussi fragile que relevée, et de la chute de laquelle il n'y a plus de ressources, sentit, en homme de beaucoup d'esprit qu'il était, qu'il était temps de céder à un homme qu'il ne faisait plus sûr de contrarier, et que les finances, qui lui avaient valu en même temps les sceaux, les lui feraient perdre en perdant ces mêmes finances. Il n'y contentait personne, et forage se formait à mesure qu'on le sentait perdre du terrain auprès du Régent. Il se hâta donc de lui en faire un sacrifice, et de s'en procurer un pont d'or dont les grâces

à ses enfants furent inouïes pour leur âge. » (Notes sur Daugeau.)

 

Crois-tu parler à tes traîtres Anglais ? (1)

Perfide, ton arrêt rend notre foi suspecte,

N'as-tu pas éprouvé que le Français respecte

Jusque dans tes horreurs et le prince et les lois ?

Poursuis, consomme ton ouvrage,

Accable-nous, achève tes projets,

Mais laisse-nous du moins l'inutile avantage

D'être de fidèles sujets.

 

Vous nous ôtez nos usages,

Nos coutumes et nos lois ;

Ma foi, vous n'êtes pas sage,

Car, en nous faisant Anglais,

Redoutez le sort sinistre,

Et craignez tout à la fois

 

(1)  Vers faits à l'occasion de l'arrêt du 28 janvier 1720 pour la diminution des monnaies, où il est dit dans le préambule que des gens mal intentionnés travaillent à diminuer la confiance publique. (M.)

 

Ce qu'ils font à leurs ministres

Et ce qu'ils ont fait à leurs rois. (1)

 

Tu peux à pleines mains répandre (2)

L'argent que tu nous as su prendre

Sans qu'il t'en coûte un seul denier ;

Mais si ta Banque un jour chancelle.

Fier Écossais, roi du papier,

N'attends de nous qu'une ficelle. (3)

 

Je peux à pleines mains répandre

L'argent que je vous ai su prendre

Sans qu'il m'en coûte un- seul denier.

Et si ma Banque un jour chancelle.

J'ai votre argent, vous mon papier,

Gardez pour vous votre ficelle.

 

Law ne nous donne qu'à demi (4)

De Louis la figure.

 

(1)  Allusion aux deux révolutions d'Angleterre de 1648 et 1688.

 

(2)  Law avait distribué insolemment des pièces d'or et d'argent au peuple dans la rue Quincampoix. (M.)

 

(3)  Law faillit, à diverses reprises, être victime de la fureur populaire.

 

(4)  Lorsque Law fit la refonte générale des espèces en or et en argent, en diminuant le poids et en augmentant

 

Ce portrait, dit-il, vous suffit.

Il est en miniature.

Lorsque Louis sera plus grand,

Grande sera l'image.

Mais pour le portrait d'un enfant

En faut-il davantage ?

 

Veux-tu savoir en quoi diffère

De Mazarin le ministère,

Et de Law le futur pendu ?

L'un ne f... que la Régente,

Et par l'autre tout est f.....

Le Régent, l'État et nos rentes.