Franz von Stuck (Sensualité)
Cette livraison de Marianne parut deux jours avant la grande offensive des troupes allemandes contre les pays du Benelux et la France, qui, en l'espace d'un mois, leur permit d'écraser l'armée française pourtant si sûre d'elle-même. Lorsque ce numéro sortit, il était encore possible d'imaginer qu'Hitler allait être le perdant.
C'est le tableau Die Sinnlichkeit (Sensualité), de 1897, du symboliste allemand Franz von Stuck, que Marinus prit comme point de départ pour faire ce montage.
Dans l’œuvre d'origine, c'est une femme nue qui, enlacée par un gigantesque serpent, fixe de ses yeux enjôleurs celui qui observe le tableau.
Dans le montage de Marinus, la femme sensuelle s'est transformée en un Hitler à l'air quelque peu soucieux, le corps du serpent a été estompé, mais la tête du reptile est soulignée. Le montage a pour titre« L'esprit du Mal », ce qui dirige l'attention vers la tête de serpent agressive et luisante.
Le serpent est souvent considéré comme l'archétype du diable, qui pousse les hommes à commettre le péché. Ici, il a l'air méchant et tout à fait à l'aise. Il a sûrement réussi son coup. Il a capturé Hitler. Mais Hitler est dans la même situation qu'Ève après la chute originelle. Il y a un prix à payer. On a l'impression qu'il commence maintenant à le comprendre
Présentation de l'éditeur
Marinus et Marianne : un couple indissociable.
D'un côté, un photographe d'origine danoise - de son vrai nom Marinus Jacob Kjelgaard -, passionné de photomontages et installé à Paris depuis plusieurs années. De l'autre, un hebdomadaire illustré, créé par Gaston Gallimard "pour lutter contre les idées toutes faites et les pouvoirs établis", et dans lequel l'artiste danois eut toute latitude pour dénoncer avec force et talent les fascismes européens, et plus particulièrement le nazisme en la personne d'Hitler. Cette prise de position n'était pas sans risque. En 1933, le montage où figure le führer en King Kong fait interdire l'hebdomadaire en Allemagne, et en 1940, quand les Allemands envahissent Paris, les locaux de la rédaction du journal sont détruits.
Mais dans l'intervalle, Marinus aura réussi, à coups de ciseaux et de colle, à ridiculiser les dictateurs de tous bords et à dresser un tableau sans concessions de l'Europe de ces années-là.
En rassemblant pour la première fois soixante de ces photomontages ainsi que leur analyse, cet ouvrage rend hommage au courage, à l'humour et à l'audace d'un artiste confronté à un monde ravagé par la guerre, et il peut être lu comme un testament photographique à la fois sinistre et génial de la résistance contre la domination allemande.
Photomontages satiriques 1932-1940, Editeur : Editions Alternatives.
Auteur(s) : Gunner Byskov, traduit par : Marc Auchet