Le curé et son renard (Fable)
Depuis une semaine entière
Un roi Lion restait au lit ;
J’entends qu'il gardait sa tanière.
Docteur à longue oreille ordonnance prescrit
Pour son mal, que d'abord il crut imaginaire ;
Puis d'expliquer sa volonté dernière ;
Bientôt après il l'avertit.
Sur cet événement, courtisans raisonnèrent ;
À tout hasard ils intriguèrent.
Ce Lion jeune encor, pensait quelques-uns d'eux,
Peut très bien se tirer d'affaire.
D'autres disaient, ses maux trop dangereux
Font croire que jamais il ne deviendra vieux,
Ainsi nous pouvons tout, sans craindre sa colère.
Au fond d'un bois, fin Renard assembla
Ses confrères et cabala.
Le roi, mes chers amis, leur dit-il, est malade ;
Je vous conseille donc, en loyal camarade,
D’aller féliciter son digue successeur.
Décrions du mourant le règne despotique,
Ses ministres, ses mœurs, sa fausse politique,
Et de l'autre vantons les talents et le coeur.
Exaltons avec art son goût patriotique ;
Paraissons de lui seul attendre le Bonlieu.
Les premiers à louer, sont les premiers à plaire ;
C’est le plus sûr moyen d'obtenir du crédit.
Au coupable projet, chacun d'eux applaudit.
Caché par un buisson, un boeuf les entendit,
Un boeuf du bon vieux temps, qui tenait de son père
Grand respect pour son maître, et coeur droit et sincère.
Scélérats, cria·t·il, et si le roi guérit ?
Broutez, broutez l'insipide fougère,
réplique l’orateur, et calmez votre esprit :
S’il en revient, nous dirons le contraire.
Par Madame de la Fér
Épigramme
Orné d'une rapière, un poltron se moquait
D'un vieil avare, et lui disait :
Quelle est ta volupté ? Tu n'as l'âme occupée
Qu’à veiller sur ton or, sans jamais t'eu servir.
L'avare lui répond : J'ai le même plaisir,
Que toi, quand tu portes l'épée.
Par M. l'abbé de Schosne
Adieux
Aux jardins de la Villette
Esprits des beautés naturelles,
Ennemis d’art imposteur,
Que dans ce séjour enchanteur
J’ai goûté de douceurs nouvelles
Ans jardins, aux palais d'un roi,
Qu’un autre aille offrir son hommage ;
Des bois, des prés, un doux ombrage,
Voilà tout ce qu'il faut pour moi.
Tantôt aux bords d’une onde pure
Qui serpente dans ces vallons,
Je rafraîchis sur les gazons
Mes yeux altérés de verdure ;
Le saule joint au peuplier
Tantôt m'offre un discret asile :
Je règne sous le dais mobile
De leur feuillage hospitalier.
Que j'aime suivre ce méandre
Dans ses voluptueux détours !
Il semble, incertain dans son cous,
Tour à tour se fuir et s'attendre.
De la canicule en fureur
Jamais l'haleine dévorante
N’osa de son eau transparente
Souiller l'éternelle fraîcheur.
Ainsi de la noire tristesse
Jamais le souffle empoisonné
N’osa dans ce lieu fortuné
Troubler une paisible inesse.
Les maîtres de ce beau séjour
Qe leur domaine l'ont bannie :
Ici les mois, les ans, la vie
S’écouleraient comme un seul jour.
Mais déjà Paris me rappelle…
Adieu, bosquets silencieux !
Claires eaux, prés délicieux,
Nature aimable et toujours belle !
Adieu, rendez-vous des Zéphirs,
Des Sylvains, des fraîches noyades !
Adieu riantes promenades !
Adieu Villette, adieu plaisirs !
Par M. Ginguené
Les droits de l’homme
Et de Sparte, et d’Athènes, et de l’antique Rome,
Qu’on appelle à Paris la législation ;
Qu’on rectifie et Lycurgue et Solon,
Et que sur eux Sieyès obtienne enfin la pomme,
Je le veux bien, disait une femme de nom ;
Mais que l’on nous épargne au moins les droits de
L’homme !
Nos droits, Madame ! Y pensez-vous ?
Répond Damis, étonné de l’entendre.
Ah ! Nous ne voulons les reprendre,
Que pour les mettre à vos genoux.
Par M. Mugnerot